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BANA CONGO
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22 juin 2008

L’indépendance se fêtera à Kananga

Ce n’est pas à Kinshasa qu’auront lieu les cérémonies du 30 juin, anniversaire de l’indépendance congolaise, mais à Kananga, capitale du Kasaï occidental, une ville située au centre géographique du pays et que les Belges rêvaient naguère de transformer en capitale. Deux personnalités belges de haut rang devraient assister à cette cérémonie, les présidents de la Chambre Herman Van Rompuy et du Sénat Armand De Decker. Sauf si des agendas politiques de dernière minute les retiennent en Belgique, ces derniers devraient répondre positivement à l’invitation qui leur a été adressée, en termes très chaleureux, par leurs homologues congolais, MM. Kengo wa Dondo et Vital Kamerhe et que le député VLD Herman De Croo a transmis à Bruxelles.
S’il est certainement trop tôt pour en conclure que la crise entre les deux pays est dénouée, il apparaît cependant que la « diplomatie parlementaire » congolaise a joué une fois de plus son rôle de pompier, et cela alors que, voici un mois, le président Kabila, qui s’était peut-être trompé de cible, avait envoyé un rappel à l’ordre aux présidents de la Chambre et du Sénat alors que ces derniers rentraient d’un séjour en Belgique où ils avaient rencontré leurs homologues des autres pays de la région des grands lacs et noué d’utiles contacts.
Cette fois, les Congolais ne se sont pas laissés diviser et, selon le professeur Bob Kabamba, qui vient de rentrer de Kinshasa, « ils veillent à faire la part des choses, à ne pas attribuer à la Belgique toute entière les propos et l’attitude d’un Karel De Gucht… »Même si le Premier Ministre Yves Leterme soutient toujours officiellement son ministre des Affaires étrangères et assure que ce dernier, à Luxembourg, a reçu le soutien de ses collègues européens, la réalité est un peu différente : alors que De Gucht avait assuré que « Kabila était devenu incontrôlable » et mis le rapport de l’ONU sur les massacres dans le Bas Congo à l’agenda de la réunion européenne, le président congolais a été reçu cette semaine au Vatican et il a noué d’importants contacts en Italie. En outre, dans les premiers jours de la présidence française, il sera reçu par le président Sarkozy, qui pourrait jouer « les bons offices » avec Bruxelles et proposer qu’un émissaire belge fasse discrètement le voyage à Paris…De plus, M. Kabila sera accueilli cet automne au Canada à l’occasion du prochain sommet de la francophonie.
La proximité de la date du 30 juin incite à la réflexion, à la mémoire historique, à des parallèles aussi…
On se souvient que le terme « incontrôlable » est dangereusement « codé » au Congo et en Afrique en général : il avait naguère été utilisé à l’encontre de Patrice Lumumba, de Thomas Sankara (Burkina Faso) et plus récemment, il qualifiait Laurent-Désiré Kabila, père du président actuel, quelques semaines avant sa fin tragique.
A chaque fois, il s’agissait de personnalités dont le principal “défaut” était d’avoir fait preuve de nationalisme, d’avoir défié l’ancienne puissance coloniale: on se souvient du discours de Patrice Lumumba” nous avons connu les coups et les humiliations…” on se rappelle du “devoir d’ingratitude” de Laurent Désiré Kabila remettant en cause les engagements pris avec les sociétés occidentales et avec ses voisins de l’Est alors qu’il était un “rebelle” désireux de chasser Mobutu…
A chaque fois qu’il s’est agi d’écarter, du pouvoir ou de la vie, ces leaders nationalistes, “souverainistes” aurait dit De Gucht aujourd’hui, les méthodes étaient pareilles: diviser l’entourage, découvrir ou fabriquer des”modérés” c’est à dire des pro occidentaux, répandre des rumeurs “Lumumba boit trop, il perd les pédales…” ou “Laurent Kabila est incapable de diriger un Etat moderne”, faire miroiter des possibilités d’accès au pouvoir à des ambitieux, semer la défiance…
Et à chaque fois, l’utilisation du terme “incontrôlable” signifiait ce que l’on pourrait traduire en anglais par “licence to kill” , feu vert pour ce que les Belges, champions de l’euphémisme, appelaient pudiquement en 1960 “une solution définitive”.
Aujourd’hui certes, les temps ont changé,mais le vocabulaire d’autrefois refait surface, les tentatives de division aussi. On ne peut qu’espérer que les personnalités congolaises d’aujourd’hui ne tomberont pas dans le piège fabriqué par d’autres, celui de la rivalité, du soupçon. Qu’ils garderont à l’esprit le sens du combat qui les a rassemblés, les enjeux qui les motivent et qui devraient transcender leurs ambitions personnelles. Se rappeler qu’en 60 aussi, on avait soudain été confronté à une “double légitimité” celle du président et celle du Premier Ministre…Aujourd’hui, le Premier Ministre Gizenga ne pouvant être mis en cause, on se contente de dire, de répéter qu’il est “fatigué” et on se tourne vers les assemblées, pour les flatter, souligner leur bon travail (17 lois au cours de cette législature, bien plus que le gouvernement Leterme…). Ces éloges sont justifiés, certes, mais les récipiendaires ne devraient pas se faire d’illusions: le but est moins de les encourager que de les opposer discrètement au Premier Ministre et au Président, de dédoubler les légitimités…
Cependant, les temps ont changé, le monde est devenu multipolaire, la mondialisation peut bénéficier à l’Afrique et plus particulièrement au Congo qui l’aborde avec tant d’atouts.
On constate ainsi que Joseph Kabila dispose de plus d’atouts que ses prédécesseurs, dont le moindre n’est pas le fait d’avoir été élu avec 58% des voix, que ses relations extérieures sont nombreuses et diversifiées. CHacun sait aussi qu’une éventuelle déstabilisation ferait courir un danger extrême à un pays qui sort à peine d’une guerre meurtrière. Danger dont Louis Michel, à Luxembourg, s’est montré conscient, apostrophant publiquement De Gucht en lui demandant «Mais que cherches tu ? Tu vas envenimer les choses et cela va avoir des effets négatifs pour la Belgique… »Il aurait pu ajouter que les “effets négatifs”, ce sont d’abord les Congolais qui pourraient en être victimes et qu’en cas de déstabilisation du pouvoir à KInshasa, l’alternative ne serait pas une “solution de rechange” mais la reprise de la guerre, sur toute l’étendue du territoire..
Même si la date du 30 juin pourrait marquer le début de l’apaisement, la crise entre les deux pays, pourrait encore connaître de nouveaux rebondissements : d’ici la mi juillet, les Congolais entendent bien passer au crible l’usage qui a été fait des fameux 200 millions d’euros présentés comme l’aide au développement de la Belgique et publier l’exacte ventilation de cette somme, mise en œuvre par la coopération technique belge et par de nombreuses ONG, quitte à souligner la proportion importante que représentent les salaires et les frais de fonctionnement des projets et à relever le fossé entre les sommes promises et les montants effectivement dépensés……

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