LES CONGOLAIS DE BELGIQUE INTERPELLENT L’UNION EUROPEENNE
Nous etions là au rendez vous
bana congo en mouvement
Dans un parcours politique, il faut plus planter l’amitié que l’adversité. Les Congolais vivant à l’étranger avait réclamé des élections libres, transparentes et inclusives, le pouvoir en place ne les avait pas écoutés. Ils avaient demandé qu’ils votent, on les avait ignorés. Aujourd’hui, trois mois après leur reconduction par des élections que l’Union européenne avait soutenu contre vents et marées, une évidence s’impose : le démarrage de la troisième république a des ratés : tueries au Bas Congo, tueries à Kinshasa, occupation de Kahemba au Bandundu, insécurité au Nord Kivu, musellement de la presse, emprisonnement des opposants…
C’est pour dénoncer tout cela que ce vendredi 6 avril 2007, vendredi saint, une centaine de congolais ont marché à Bruxelles, de la porte de Namur à l’Union européenne, vers le rond-point Schuman. Le tandem Kabila-Gizenga peut être sûr d’une chose : Les Congolais de Belgique ne leur feront pas de cadeaux. Bien au contraire.
Vers 11h50, les unités de la police chargées d’encadrer la manifestation se mettent progressivement en place. A 12h00, heure prévue pour le début de la marche, la police est déjà prête. A la sortie de la bouche du métro on voit plutôt deux mendiants. L’un au sommet de l’escalator, l’autre quelques mètres plus loin, à genou sur un cartable d’écolier. Aucun congolais en vue ! Le premier membre de l’organisation arrive à 12h08, sifflet aux lèvres, entre les bras un panneau dénonçant monsieur Kabila. D’autres panneaux et banderoles arriveront ensuite. Dans le club de ceux qui ont droit à avoir leurs noms sur les tracts et banderoles des Congolais de Belgique, un nouveau venu Dos Santos, président de l’Angola pour l’affaire Kahemba.
Durant près de 45 minutes, il n’y aura pas plus de 20 personnes, heure congolaise oblige. Les sifflets de certains manifestants sont si stridents qu’un incident est évité de justesse avec une dame d’origine asiatique. Quelques mots discourtois sont échangés mais la police calme rapidement la situation.
A 13h06, les manifestants descendent enfin sur la chaussée d’Ixelles pour commencer la marche, après avoir vainement tenté de se rendre d’abord dans la galerie d’Ixelles pour mobiliser ceux qui y traînent. Au croisement Marnix-Trône, le nombre de manifestants augmente sensiblement. Voulant emprunter le boulevard du Régent, les manifestants sont stoppés par la police. Palabres, légères engueulades, encore un peu, quelques manifestants auraient été traités d’une façon plus musclée. Les bus 54 et 71 ne peuvent plus passer. Les inspecteurs de police en civil, habitués aux congolais parviennent à convaincre les manifestants à emprunter la trajectoire qui avait été autorisée.
L’ambassade des Etats-Unis est en vue. La marche ne devrait pas passer par-là. Apparaît alors un nombre impressionnant de policiers anti-émeutes. Ils bloquent toutes les issues, ne laissant aux manifestants qu’une seule alternative : la trajectoire autorisée. Il en sera ainsi jusqu’à la fin de la marche. La trajectoire en question sera une suite de ruelles.
Conséquence, aux croisements de la très fréquentée rue Belliard et commerce, les manifestants s’asseyent sur la chaussée, gênant considérablement la circulation et brandissant les différentes pancartes vers les conducteurs immobiles. Nouvelles palabres, nouvelle diplomatie des policiers en civil.
C’est sur la rue Charles de Lalaing que les esprits vont sérieusement se chauffer. Monsieur Léonard Mpoyi, représentant de l’UDPS en Norvège qui était aussi de la marche prend un mégaphone pour s’adresser aux policiers en fustigeant ce désir apparent de « cacher » la manifestation, alors que par définition, une manifestation est faite pour être vue, là où il y a des gens, c’est-à-dire, sur les grandes artères.
A 15h01, les manifestants arrivent à l’avenue Auderghem : elle est également barricadée. Unique issue, une autre petite rue : la rue joyeuse entrée. Francis Tombolo Kalombo du congrès mondial des congolais vivant à l’étranger remonte la dite ruelle, venant du rond-point Schuman. Il annonce : « D’où je viens, tout est barricadé. Impossible d’accéder aux immeubles de l’Union européenne. »
C’est dans un véritable cloaque que se terminera la marche, les manifestants étant pris en tenaille par la police. Un mémo préparé par les Bana Congo, doit être remis à la commission européenne. Seule cinq personnes ont l’autorisation de traverser la barricade : Samson Cibayi Mukuta, président des Bana Congo, madame Josée Goyi représentant les mamans congolaises, le musicien Boketshu et deux journalistes.
Une fois la barricade franchie, une surprise nous attend. Les hauts fonctionnaires de l’union européenne sont déjà en congé de pâques depuis la veille à midi. C’est en pleine rue que nous sommes reçus par monsieur Pissoort, chef de la sécurité à l’union européenne.
Avant de remettre le mémo préparé pour la circonstance, le président des Bana Congo explique au délégué de l’union européenne ce qui a motivé cette marche.
- Depuis le début de ce qui devrait être la troisième république, on assiste au Congo à des tueries et à l’occupation de certaines parties de notre pays par des Etats voisins
- Les Congolais vivant à l’étranger avaient souhaité qu’il y ait de bonnes élections au Congo. En a-t-il été ainsi ?
- L’union européenne, sous l’influence de quelques-uns de ses membres a engagé de fonds énormes dans le processus électoral au Congo.
- Aujourd’hui, au lieu que ce soit l’espoir qui revienne au Congo, c’est plutôt le cauchemar qui arrive pour le peuple.
- La marche est destinée à dénoncer le système en place, tout en demandant à l’Union européenne de ne pas le soutenir, compte tenu des entraves à la démocratie et aux droits de l’homme. L’union européenne a été induite en erreur.
- Elle devra rectifier le tir.
- Les Congolais vivant à l’étranger ne reconnaissent pas le système en place au Congo
- Que l’Union européenne programme une rencontre d’échange de vues avec les congolais vivant à l’étranger.
- Il y a eu des tueries. Assisterons-nous à l’impunité, ou l’Union européenne aura le courage de faire un pas vers la sanction des coupables ?
- Dans tous les cas, Union européenne ou pas, les Congolais sont décidés à trouver une solution aux problèmes qui minent leur pays.
Monsieur Pissoort promet de remettre le mémo à qui de droit, espérant qu’une suite y sera accordée. N’étant pas mandaté pour traiter du fonds du problème, il ne pouvait guère dire plus.
De retour vers les manifestants, le président des Bana Congo rend compte de l’entrevue avant de disperser les gens. Il est 15h48 quand tout le monde s’en va. Aucun incident majeur n’a été déploré. Néanmoins, arrivés sur le quai, ceux qui ont pris le métro à la station Schuman brandissent les différents panneaux à l’intention des autres passagers, dénonçant au passage un parti belge considéré comme le grand parrain du système politique au Congo.
Bruxelles, le 6 avril 2007
Cheik FITA
photo Patrick kanku (Bana congo)