Alors que les tirs se sont atténués à Kinshasa, le Premier ministre Guy Verhofstadt a assuré que la sécurité des ressortissants belges n'était pas menacée. De son côté, l'ancien vice-président Jean-Pierre Bemba, à l'encontre duquel la RDC a délivré un mandat d'arrêt pour haute trahison, se dit victime d'une tentative d'élimination.

Les tirs d'armes lourdes et légères se calmaient vendredi après-midi à Kinshasa entre l'armée régulière et la garde rapprochée de l'ex-vice-président Jean-Pierre Bemba, désormais visé par un mandat d'arrêt pour "haute trahison".

A Bruxelles, le Premier ministre Guy Verhofstadt a assuré vendredi que la sécurité des ressortissants belges à Kinshasa n'était pas menacée". Le gouvernement conseille "vivement aux Belges de rester à domicile et de ne pas se déplacer tant que la situation n'est pas totalement calmée" dans la capitale de la République démocratique du Congo (RDC), a ajouté le chef du gouvernement à l'issue d'une réunion du comité ministériel restreint consacrée à la situation en RDC.

Le gouvernement belge a également appelé à un arrêt immédiat des combats et espère que la Mission des Nations Unies en RDC (MONUC) pourra contribuer au maintien de l'ordre. "Nous demandons aux responsables politiques congolais de trouver une solution durable au conflit", a ajouté M. Verhofstadt. Les ministres des Affaires étrangères et de la Défense, Karel De Gucht et André Flahaut, ont été chargés de "suivre en permanence" la situation à Kinshasa et de "faire régulièrement rapport" à l'ensemble du gouvernement.

Des tirs de canons ou de mortier avaient repris à 6 heures (HB) dans la commune de la Gombe (nord de Kinshasa), où se situent les résidences de M. Bemba, qui s'est lui-même réfugié jeudi soir à l'ambassade d'Afrique du Sud.

Une soixantaine de morts

Au moins sept personnes ont été tuées depuis jeudi, a annoncé Radio Okapi, parrainée par l'Onu. Selon la radio, un obus est tombé vendredi matin sur des habitations à Bandalungwa, quartier du nord-ouest de la capitale, tuant une femme et son enfant. Citant des sources hospitalières, Okapi a également fait état de cinq autres morts et de plusieurs blessés enregistrés dans les différents établissements hospitaliers de Kinshasa.

Selon un dernier bilan, une soixantaine de personnes, dont une cinquantaine de militaires, ont été tuées à Kinshasa depuis le début jeudi des combats.

A l'hôpital général de Kinshasa, nous avons enregistré une dizaine de blessés dont cinq dans un état grave et parmi lesquels il y a trois militaires, a déclaré son médecin-directeur, Dieudonné Diabeno, affirmant ne disposer d'"aucun bilan sur le nombre de morts" enregistrés à la morgue de l'hôpital. Mais, dans l'après-midi, la tendance était à l'accalmie des tirs.

La commune de la Gombe (nord de Kinshasa), théâtre des violences, était vendredi après-midi sous le contrôle de l'armée congolaise. Il y a encore des tirs dans d'autres quartiers, mais la situation est à l'accalmie, a déclaré le porte-parole militaire de la Mission de l'ONU en RDC (Monuc), le lieutenant-colonel Didier Rancher.

Vendredi matin, les autorités judiciaires de République démocratique du Congo avaient délivré un mandat d'arrêt pour haute trahison contre Jean-Pierre Bemba (pour avoir) détourné des éléments de l'armée à ses propres fins, a déclaré le porte-parole parole du gouvernement, Toussaint Tshilombo Send.

Elu sénateur en janvier, l'ex-rebelle Bemba refuse de voir les soldats affectés à sa sécurité à l'époque où il était vice-président du gouvernement de transition (2003-2006) intégrer l'armée régulière, estimant que sa sécurité n'est pas garantie. Le procureur général de la République Tshimanga Mukeba a précisé à l'AFP que M. Bemba était poursuivi pour "pillages" et "entretien de milice" - que la Constitution qualifie de "haute trahison" - et qu'il allait "saisir le Parlement pour lever (son) immunité".

Sur le terrain

Sur le terrain, les Forces armées de RDC (FARDC) avaient progressé dès vendredi matin, mais d'importantes poches de résistance subsistaient à la limite est de la Gombe, sur la base aérienne de Ndolo, et dans les communes voisines de Limete et de Barumbu, selon un responsable sécuritaire occidental. Une cuve contenant environ 2.500 m3 d'essence a été touchée par un obus de mortier et s'est enflammée dans un dépôt, près de la base de Ndolo, dégageant pendant plusieurs heures d'épais panaches de fumée.

Des dizaines d'hommes de Bemba ont commencé à faire acte de "reddition", d'abord individuellement puis par petits groupes, avec femmes et enfants, a indiqué le porte-parole militaire de la Monuc. Deux Français ont été blessés par balles jeudi mais leur vie "n'est pas en danger", selon le ministère français des Affaires étrangères.

Une de nos grandes inquiétude maintenant, c'est le risque de pillage par les soldats de la Garde présidentielle ou des fuyards. Ces gens restent incontrôlables, a déclaré un diplomate africain.

Enfin, l'ensemble de la communauté internationale à appellé jeudi à la cessation des combats qui remettent encore une fois en péril le délicat processus de réconciliation entre camps ennemis. L'ancien Zaïre est miné depuis plus de dix ans par une succession d'affrontements entrecoupés de brefs intermèdes pacifiques.

Bemba se dit victime d'une tentative d'élimination

Dans le même temps, l'ancien vice-président de la République démocratique du Congo (RDC), Jean-Pierre Bemba, s'est dit vendredi "victime" des affrontements armés en cours depuis jeudi à Kinshasa et a estimé que le pouvoir voulait l'éliminer, dans une interview diffusée vendredi à Bruxelles.

C'est moi qui ai été victime de l'attaque et de l'encerclement de ma résidence depuis deux semaines. Il ne faut pas inverser les rôles. Je suis bien la victime et non pas le coupable, a-t-il affirmé sur la radio publique néerlandophone VRT. Dans cette interview réalisée depuis Bruxelles vendredi en début d'après-midi, M. Bemba s'est dit "en sécurité", mais il a refusé de confirmer qu'il se trouvait à l'ambassade d'Afrique du Sud à Kinshasa.

L'assaut a été lancé pour la quatrième fois en six mois sur ma résidence. Je déplore cette manière de vouloir atteindre à mon intégrité physique, a-t-il expliqué.

Interrogé pour savoir s'il considérait que le camp du président Joseph Kabila voulait "l'éliminer physiquement", M. Bemba a répondu: Oui, je vous le confirme, et museler l'opposition de ce fait.

Dans cette interview, M. Bemba a également déclaré qu'il n'avait plus le contrôle sur ses troupes depuis qu'elles avaient été délogées de sa résidence. Il a aussi réitéré son appel au "calme et au retour à la sécurité".

Elu sénateur en janvier, l'ex-rebelle Bemba refuse de voir les soldats affectés à sa sécurité à l'époque où il était vice-président du gouvernement de transition (2003-2006) intégrer l'armée régulière, estimant que sa sécurité n'était pas garantie. Pour cette raison, il est visé depuis vendredi par un mandat d'arrêt pour "haute trahison".

J'ai signé, le 29 octobre, entre les deux tours, un accord avec le président Kabila, où on parlait d'une sécurité rapprochée adéquate. Je pense que la négociation devait porter sur cette sécurité rapprochée appropriée, mais on n'a pas laissé le temps à la négociation, on a préféré aller par la force. On déplore les dégâts et les morts, a expliqué Jean-Pierre Bemba à la VRT. Il faut que tous les esprits s'apaisent, a-t-il ajouté.

Les tirs d'armes lourdes et légères se calmaient vendredi après-midi à Kinshasa entre l'armée régulière et la garde rapprochée Jean-Pierre Bemba.

Bemba porte une grande responsabilité

Enfin, le ministre belge de la Coopération au développement Armand De Decker a estimé vendredi que Jean-Pierre Bemba portait "une responsabilité politique très grande" dans les violences qui secouent Kinshasa depuis jeudi.

Je crois que Jean-Pierre Bemba porte une responsabilité politique très grande, a déclaré M. De Decker à la chaîne de télévision RTL-TVI, qualifiant de totalement désolants les événements.

(D'après Belga et AFP)